La souris, incarnation de l’esprit d’invention allemand, et Internet

Lu aussi dans Il est de retour (Timur Vermes. – Paris : Belfond, 2014), fiction traduite en 35 langues et bientôt adaptée au cinéma :

« Entre Chaplin, Borat et Shalim Auslander, une satire aussi hilarante que grinçante qui nous rappelle que face à la montée des extrémismes et à la démagogie, la vigilance reste plus que jamais de mise.

Soixante-six ans après sa disparition, Hitler se réveille dans un terrain vague de Berlin. Et il n’est pas content : comment, plus personne ne fait le salut nazi ? L’Allemagne ne rayonne plus sur l’Europe ? […] Et, surtout, c’est une FEMME qui dirige le pays ? ».

Au gré des jours, il découvre, entre autres, des technologies qui le séduisent, comme l’ordinateur et Internet :

« […] cette splendide petite souris était l'incarnation merveilleuse de l'esprit d'invention allemand !

On a rarement inventé chose plus géniale.

On fait avancer la souris sur la table et tous les mouvements sont reproduits sur l'écran sous forme d'une petite main. Et si on veut s'arrêter sur un endroit de l'écran, il suffit d'appuyer sur le bouton de la souris et la petite main ouvre une fenêtre sur l'écran. C'est enfantin et génial. J'étais fasciné. Mais ce n'aurait été qu'un distrayant petit jeu s'il ne s'était agi que de simplifier les tâches à faire au bureau. Il se révéla que cet appareil était multiple et renfermait bien d'autres fonctionnalités.

On pouvait bien sûr écrire mais, par le biais d'un réseau de lignes, on pouvait aussi entrer en relation avec toutes les personnes et toutes les institutions qui étaient disposées à le faire. En plus - et c'était une grosse différence avec le téléphone - , ceux qui envoyaient des messages n'étaient pas obligés de rester assis devant leur ordinateur; ils pouvaient laisser des messages et s'en aller car il était possible de les lire en leur absence. Tout le monde le faisait. Ce qui me réjouissait particulièrement, c'était que l'on pouvait consulter des journaux, des revues, tout ce qui contenait du savoir, en restant assis à sa place. C'était une sorte de gigantesque bibliothèque ouverte en permanence. Comme j'aurais aimé disposer de cette possibilité, à l'époque ! J'avais souvent désiré pouvoir lire encore un peu, à deux heures du matin, après une journée remplie de décisions militaires difficiles à prendre. » (p. 132)

Le téléphone portable, un pur produit du génie aryen

Lu dans Il est de retour (Timur Vermes. – Paris : Belfond, 2014), fiction traduite en 35 langues et bientôt adaptée au cinéma :

« Entre Chaplin, Borat et Shalim Auslander, une satire aussi hilarante que grinçante qui nous rappelle que face à la montée des extrémismes et à la démagogie, la vigilance reste plus que jamais de mise.

Soixante-six ans après sa disparition, Hitler se réveille dans un terrain vague de Berlin. Et il n’est pas content : comment, plus personne ne fait le salut nazi ? L’Allemagne ne rayonne plus sur l’Europe ? […] Et, surtout, c’est une FEMME qui dirige le pays ? ».

Au gré des jours, il découvre, entre autres, des technologies qui le séduisent, comme le téléphone portable :

«  C'était Mlle Krômeier qui s'était occupée de ça. Après avoir réglé toute cette histoire d'ordinateur, elle s'était souvenue qu'on m'avait aussi donné un téléphone portable. Ce genre d'appareil incroyable permettait même d'aller sur Internet, et encore plus facilement qu'avec une souris : il suffisait de toucher l'écran avec un doigt. J'avais tout de suite deviné que je tenais là un pur produit du génie aryen, et, après avoir tourné et retourné l'appareil dans tous les sens, j'avais découvert que, effectivement, c'était la société Siemens qui avait développé cette technique. » (p. 186)

Saisie kilométrique de texte

Lu aussi dans La rue des voleurs, un roman bouleversant qui raconte quelques années de la vie d’un jeune marocain sans avenir, amoureux des livres et de l’écrit animé par un désir d’affirmation d’un humanisme arabe (Mathias Énard. – Actes Sud / Leméac, 2012).

« … je passais douze à seize heures par jour devant l'écran, le dos plié comme un ramasseur de haricots verts, à recopier fidèlement, avec  mes quatre ou six doigts, des livres, des encyclopédies culinaires, des lettres manuscrites, des archives, tout ce que M. Bourrelier me passait. Le job portait bien son nom: saisie kilométrique, travail au kilomètre; plus précisément "double saisie", car ce travail d'abruti était fait deux fois, par deux abrutis différents, et on croisait ensuite les résultats, ce qui donnait un fichier fiable qui pouvait être remis au commanditaire. Les clients de M. Bourrelier étaient des plus divers: des maisons d'édition qui voulaient exploiter numériquement ou réimprimer un vieux fonds, des ministères qui avaient des tonnes et des tonnes d'écritures à gérer, des villes, des mairies dont les archives débordaient, des universités qui envoyaient de vieilles bandes magnétiques de cours magistraux et de conférences à retranscrire - on avait l'impression que toute la France, tout le verbiage de la France atterrissait ici, en Afrique; le pays entier vomissait du langage sur M. Bourrelier et ses nègres. Il fallait taper vite, bien sûr, mais pas trop vite, car on payait les corrections de notre poche: chaque fois que le croisement de la double saisie révélait une erreur, le mot ou la phrase en question étaient vérifiés et la coquille décomptée de mon salaire. » (p. 96)

Un cadeau empoisonné

Lu aussi dans La rue des voleurs, un roman bouleversant qui raconte quelques années de la vie d’un jeune marocain sans avenir, amoureux des livres et de l’écrit anumé par un désir d’affirmation d’un humanisme arabe (Mathias Énard. – Actes Sud / Leméac, 2012).

« Un jour, mon zèle m’a valu un cadeau empoisonné: en arrivant un matin, M. Bourrelier m'a convoqué dans son bureau. Il était joyeux, il rigolait comme un enfant, je viens d'avoir une excellente nouvelle, il m'a dit. Une magnifique nouvelle. Une très grosse commande du ministère des Anciens Combattants. Il s'agit de la numérisation des fiches individuelles des combattants de la Première Guerre mondiale. C'est un très gros contrat. Nous avons répondu à l'appel d'offres, et nous avons été retenus. Ce sont des fiches manuscrites, impossibles à traiter automatiquement, il va falloir les saisir à la main. On commence par les morts.

- Ils ne sont pas encore tous morts? j'ai dit naïvement.

- Si si, bien sûr qu'ils sont tous morts, il n'y a plus de combattant de la Première Guerre mondiale français vivant. Je veux dire qu'on va commencer par les "Morts pour la France", qui sont un lot de fiches à part.

- Et combien il y en a?

- Un million trois cent mille fiches, au total. Après il restera les blessés et ceux qui s'en sont tirés, ce sera plus gai. » (p. 97)

Survivre en recopiant des documents

Lu dans La rue des voleurs, un roman bouleversant qui raconte quelques années de la vie d’un jeune marocain sans avenir, amoureux des livres et de l’écrit animé par un désir d’affirmation d’un humanisme arabe (Mathias Énard. – Actes Sud / Leméac, 2012).

« Vous êtes payé à la page, 2000 signes, 50 centimes d'euro. Ça veut dire à peu près 100 euros pour un livre moyen. Ensuite on vous décompte les corrections, à 2 centimes pièce. En recopiant 20 livres par mois, ça vous fait 2000 euros, plus ou moins, si le travail est bien fait.

J'ai fait un calcul rapide: pour arriver à 20 livres par mois, disons 200 pages par jour, il fallait recopier 25 pages en 60 minutes. Une page toutes les deux minutes, plus ou moins. Ce Frédéric était un optimiste. Ou un esclavagiste, c'est selon.

- Ce ne serait pas plus simple de scanner les livres?

- Pour certains, non. Ceux dont le papier est un peu transparent, c’est presque impossible, on obtient n'importe quoi. L’OCR n’y comprend rien, et puis il faut démonter le bouquin, remettre en page, corriger, en fin de compte ça revient plus cher.

J'avais l'impression qu'il parlait chinois, mais bon, il devait savoir ce qu'il faisait. » (p. 75)

Au temps des cassettes et des cartouches 8 pistes



Lu dans « Cuba libre » de Nick Stone (Paris : Gallimard Série noire, 2013) :

« Il adore Bruce Springsteen. Il m’a fait une cassette il y a quelques temps. Vous vous rappelez ces objets – les cassettes ?

– Je me souviens même des cassettes en stéréo 8, dit Max. » (p. 361)

Notes de lecture : l’inspecteur Gamache de la Sûreté du Québec dans les voûtes de BAnQ (3)

Lu aussi dans La faille en toute chose – Armand Gamache enquête (le 9e polar de Louise, Penny. – Montréal : Flammarion Québec, 2014).

« Gamache était assis à un bureau dans la salle des archives et parcourait des documents en prenant des notes, fasciné par ce qu'il avait découvert jusqu'à maintenant: des journaux intimes, des lettres personnelles, des photographies. Après un certain temps cependant, il retira ses lunettes, se frotta les yeux et regarda les livres et les documents qu'il n'avait pas ouverts. Jamais il ne réussirait à tout lire dans un seul après-midi.

[…]

– J'aimerais les emporter, dit-il en montrant à la bibliothécaire les piles de documents sur le bureau.

Mme Dufour ouvrit la bouche, mais la referma. Elle réfléchit à la demande de l'inspecteur-chef.

[…]

– Je prends ma retraite en août prochain, vous savez. Retraite obligatoire.

– Je suis désolé, dit Gamache, l'observant tandis qu'elle parcourait la salle des yeux.

– Mise au placard, dit-elle avec un sourire. À mon avis, ni moi ni ces dossiers ne manquerons à personne. N'hésitez pas à les prendre, monsieur, mais, s'il vous plaît, rapportez-les. L’amende est salée, vous savez, si vous les perdez ou si votre chien les mange. » (pp. 125-126)