Lu aussi dans La rue des voleurs, un roman bouleversant qui raconte quelques années de la vie d’un jeune marocain sans avenir, amoureux des livres et de l’écrit anumé par un désir d’affirmation d’un humanisme arabe (Mathias Énard. – Actes Sud / Leméac, 2012).
« Un jour, mon zèle m’a valu un cadeau empoisonné: en arrivant un matin, M. Bourrelier m'a convoqué dans son bureau. Il était joyeux, il rigolait comme un enfant, je viens d'avoir une excellente nouvelle, il m'a dit. Une magnifique nouvelle. Une très grosse commande du ministère des Anciens Combattants. Il s'agit de la numérisation des fiches individuelles des combattants de la Première Guerre mondiale. C'est un très gros contrat. Nous avons répondu à l'appel d'offres, et nous avons été retenus. Ce sont des fiches manuscrites, impossibles à traiter automatiquement, il va falloir les saisir à la main. On commence par les morts.
- Ils ne sont pas encore tous morts? j'ai dit naïvement.
- Si si, bien sûr qu'ils sont tous morts, il n'y a plus de combattant de la Première Guerre mondiale français vivant. Je veux dire qu'on va commencer par les "Morts pour la France", qui sont un lot de fiches à part.
- Et combien il y en a?
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