La jeunesse prête à prendre sa place


Lu aussi dans L’homme de l’ombre de Laurent Turcot (Montréal : Hurtubise, 2018)

« La jeunesse a souvent cette manie de vouloir exister par ce qu’elle vient d’apprendre en montrant à trous qu’elle connaît ce que les vieux connaissent et donc, naturellement, qu’elle est prête à prendre sa place. » (p.131)

Un livre à la main dans le silence éternel

Lu dans L’homme de l’ombre de Laurent Turcot (Montréal : Hurtubise, 2018)

« L’homme au manteau bleu s’avança davantage. Il se baissa et plongea son regard dans les yeux écarquillés du cadavre. Il avait toujours senti une familiarité avec la mort. Il s’interrogeait sur son propre cadavre, quand on le découvrirait, recroquevillé dans un lit, un livre à la main, la chandelle éteinte depuis des heures. Il aimait se représenter cette scène. Il y pensait comme un spectateur regarde un tableau pour en admirer le clair-obscur sans vraiment s’intéresser au sujet ni aux personnages. Il aimait l’ambiance, le calme, la sérénité, mais surtout le silence éternel. » (p. 18)

Même le noir a son noir


Lu aussi dans Au péril de la mer de Dominique Fortier (Québec : Alto, 2016)

« … j’ai pris dans ma main un morceau de fusain. Entre mes doigts, le bâtonnet qui avait déjà été un jeune saule était maintenant léger comme une plume. On distinguait, au centre, les premiers cercles de croissance de l’arbre, plus foncés, Même le noir a son noir. » (pp. 177-178)

Le génie de Johannes Gutenberg

Lu aussi dans Au péril de la mer de Dominique Fortier (Québec : Alto, 2016)
 
Le texte « … est composé à l’aide de caractères que l’on peut soulever et déplacer tout à loisir, de sorte qu’un même ensemble de lettres permet de faire tous les livres. L’invention acquérait tout à coup un caractère proprement prodigieux : tous les livres contenus dans une pile de caractères en désordre – tous les livres jamais écrits, et tous ceux encore à écrire, reposant ensemble, pêle-mêle… » (pp. 173)


Étonnant que de tant de mort puisse jaillir la vie

Lu dans Au péril de la mer de Dominique Fortier (Québec : Alto, 2016)

« À la fin du jour, la lumière se fait rare dans le scriptorium. Nous labeurons comme des ombres parmi les ombres, capuchons relevé. Parfois je m’arrête le temps d’écouter le grattement des plumes sur le vélin en tentant d’imaginer les oiseaux auxquels on a arraché ces pennes et les veaux morts dans le ventre de la vache, écorchés pour qu’on puisse écrire sur leur peau, et je m’étonne que de tant de mort puisse jaillir quelque chose qui ressemble à la vie. Devant moi, sur la surface blanche, les lettres apparaissent une à une, comme des poissons ramenés des profondeurs. » (p. 116)

Le mystère de la lecture

Lu aussi dans La revanche de l’écrivaine fantôme de David Turgeon (Montréal : Le Quartanier éditeur, 2017)

« … l’histoire qui est racontée dans le livre, les mots, leur agencement, leur organisation en phrases et en chapitres, leur syntaxe, leurs sens, disons-le au pluriel, leur polysémie latente, la suite d’idées qu’ils évoquent, qu’ils invoquent, c’est la même chose, les êtres et les objets qu’ils font comme on dit jaillir du néant, qu’ils nourrissent de leurs adjectifs, qu’ils réfléchissent de leurs adverbes, qu’ils accompagnent amicalement de leurs vœux lorsque choses et personnages passeront à l’action, qu’ils déploient en trois dimensions, certes virtuelles, personne n’est dupe et pourtant tout le monde tombe dans le panneau, tel est le mystère de la lecture. » (p. 140)

Qu'est-ce que l'écriture ?

Lu dans La revanche de l’écrivaine fantôme de David Turgeon (Montréal, Le Quartanier éditeur, 2017)

« L’écriture, ce n’est pas du sentiment, l’écriture c’est une technique, un plan suffisamment ouvert, une canalisation pour l’écoulement naturel des idées, l’écriture c’est le choix des techniques de travail, c’est l’approche méthodique de chaque sujet, avec ce qu’il faut de saine insouciance, de ce qu’on appelle grâce je suppose, enfin l’écriture c’est, comme pour toute activité humaine, du temps, du temps, du temps, ce n’est franchement pas compliqué, il faut attendre, méditer, il faut vieillir et faire vieillir, il faut se tenir prêt quand vient la phrase, l’idée maîtresse, il faut être là, chez soi, dans la plus farouche intimité, délibérément fortifié en soi et avec ses outils, ses dictionnaires, ses nourritures littéraires, le reste n’est que sueur, désolée de ruiner ainsi le mystère de l’écriture mais il n’y a pas de quoi s’émouvoir. » (pp. 67-68)