Un cadeau empoisonné

Lu aussi dans La rue des voleurs, un roman bouleversant qui raconte quelques années de la vie d’un jeune marocain sans avenir, amoureux des livres et de l’écrit anumé par un désir d’affirmation d’un humanisme arabe (Mathias Énard. – Actes Sud / Leméac, 2012).

« Un jour, mon zèle m’a valu un cadeau empoisonné: en arrivant un matin, M. Bourrelier m'a convoqué dans son bureau. Il était joyeux, il rigolait comme un enfant, je viens d'avoir une excellente nouvelle, il m'a dit. Une magnifique nouvelle. Une très grosse commande du ministère des Anciens Combattants. Il s'agit de la numérisation des fiches individuelles des combattants de la Première Guerre mondiale. C'est un très gros contrat. Nous avons répondu à l'appel d'offres, et nous avons été retenus. Ce sont des fiches manuscrites, impossibles à traiter automatiquement, il va falloir les saisir à la main. On commence par les morts.

- Ils ne sont pas encore tous morts? j'ai dit naïvement.

- Si si, bien sûr qu'ils sont tous morts, il n'y a plus de combattant de la Première Guerre mondiale français vivant. Je veux dire qu'on va commencer par les "Morts pour la France", qui sont un lot de fiches à part.

- Et combien il y en a?

- Un million trois cent mille fiches, au total. Après il restera les blessés et ceux qui s'en sont tirés, ce sera plus gai. » (p. 97)

Survivre en recopiant des documents

Lu dans La rue des voleurs, un roman bouleversant qui raconte quelques années de la vie d’un jeune marocain sans avenir, amoureux des livres et de l’écrit animé par un désir d’affirmation d’un humanisme arabe (Mathias Énard. – Actes Sud / Leméac, 2012).

« Vous êtes payé à la page, 2000 signes, 50 centimes d'euro. Ça veut dire à peu près 100 euros pour un livre moyen. Ensuite on vous décompte les corrections, à 2 centimes pièce. En recopiant 20 livres par mois, ça vous fait 2000 euros, plus ou moins, si le travail est bien fait.

J'ai fait un calcul rapide: pour arriver à 20 livres par mois, disons 200 pages par jour, il fallait recopier 25 pages en 60 minutes. Une page toutes les deux minutes, plus ou moins. Ce Frédéric était un optimiste. Ou un esclavagiste, c'est selon.

- Ce ne serait pas plus simple de scanner les livres?

- Pour certains, non. Ceux dont le papier est un peu transparent, c’est presque impossible, on obtient n'importe quoi. L’OCR n’y comprend rien, et puis il faut démonter le bouquin, remettre en page, corriger, en fin de compte ça revient plus cher.

J'avais l'impression qu'il parlait chinois, mais bon, il devait savoir ce qu'il faisait. » (p. 75)

Au temps des cassettes et des cartouches 8 pistes



Lu dans « Cuba libre » de Nick Stone (Paris : Gallimard Série noire, 2013) :

« Il adore Bruce Springsteen. Il m’a fait une cassette il y a quelques temps. Vous vous rappelez ces objets – les cassettes ?

– Je me souviens même des cassettes en stéréo 8, dit Max. » (p. 361)

Notes de lecture : l’inspecteur Gamache de la Sûreté du Québec dans les voûtes de BAnQ (3)

Lu aussi dans La faille en toute chose – Armand Gamache enquête (le 9e polar de Louise, Penny. – Montréal : Flammarion Québec, 2014).

« Gamache était assis à un bureau dans la salle des archives et parcourait des documents en prenant des notes, fasciné par ce qu'il avait découvert jusqu'à maintenant: des journaux intimes, des lettres personnelles, des photographies. Après un certain temps cependant, il retira ses lunettes, se frotta les yeux et regarda les livres et les documents qu'il n'avait pas ouverts. Jamais il ne réussirait à tout lire dans un seul après-midi.

[…]

– J'aimerais les emporter, dit-il en montrant à la bibliothécaire les piles de documents sur le bureau.

Mme Dufour ouvrit la bouche, mais la referma. Elle réfléchit à la demande de l'inspecteur-chef.

[…]

– Je prends ma retraite en août prochain, vous savez. Retraite obligatoire.

– Je suis désolé, dit Gamache, l'observant tandis qu'elle parcourait la salle des yeux.

– Mise au placard, dit-elle avec un sourire. À mon avis, ni moi ni ces dossiers ne manquerons à personne. N'hésitez pas à les prendre, monsieur, mais, s'il vous plaît, rapportez-les. L’amende est salée, vous savez, si vous les perdez ou si votre chien les mange. » (pp. 125-126)