On se croirait au fond d’un terrier

Lu dans Jouissance de Ali Zamir  (Paris : Le Tripod. – 2022)

« … la pièce est sombre, un mur est occupé par un grand et vieux buffet en bois, au vernis complètement éteint, obscurci, comme rempli de chagrin, une table à manger occupe le centre de la salle avec une télévision à écran plat sur un côté, c'est tout, quelques assiettes, bols, tasses, cuillères, fourchettes et couteaux sont entassés dans le côté droit du buffet, où d'autres ustensiles de cuisine fatigués par l'âge sont suspendus tels des lapins de garenne, dans le côté gauche s'asphyxient des livres en tous genres, des romans, des essais, des beaux livres et des vieilles encyclopédies, tous semblent me jalouser, sur la grande table rectangulaire couverte d'une nappe bleue mouchetée de jaune reposent quelques serviettes, propres mais comme grignotées par les rats, le couvert est déjà dressé, autour de la table se comptent quatre chaises mal en point, à part l'écran plat tout n'est qu'antiquités de moins d'un liard, des vieilles photos, en noir et blanc, sont punaisées sur les murs humides, des vêtements sont soigneusement rangés par terre, on se croirait au fond d'un terrier… » (pp.124-125)

En plongée


Lu dans Surface de Olivier Norek  (Paris : Michel Lafon. – 2019)

« Le plus violent est l'entrée dans l'eau, dans un nouvel élément, passer de l'air au liquide. Le reste n'est qu'une danse. Les gestes ralentis par la den-sité, l'apesanteur d'un vol aquatique. Ne rien voir, ne rien entendre, ne rien peser, comme un rêve de liberté absolue. » (pp. 179-180)

Personne ne pourra jamais tout lire

Lu aussi dans Comment cuire un ours de Mikael Niemi  (Paris : Stock. – 2017)

« … à partir d'une certaine épaisseur de reliure, le livre doit contenir plus de temps que ne peut en couvrir une vie humaine. Aucune vie d'homme ne pourra jamais être assez longue pour qu'on y case toutes les choses vécues au fil des pages. Aucune tête ne verra jamais défiler toutes les pensées qu'on y a inscrites. Et même si l'on passait sa vie entière à lire un volume après l'autre, on finirait par se heurter à la limite du nombre de livres et de jours restants. L'idée qu'on puisse mettre dans une grande maison plus de livres qu'on ne réussirait jamais à en lire, cette idée-là me donne le tournis. » (p. 334)

La sensation de l’alcool


Lu aussi dans Comment cuire un ours de Mikael Niemi  (Paris : Stock. – 2017)

« Jamais auparavant  je n'avais eu d'alcool en bouche. La sensation était bien celle d'un feu, mais de courte durée. Suivait l'impression pénible d'avoir dans le ventre un œuf, qui enflait, se muait en un cœur empoisonné, battait, fouettait. Puis l'œuf se lézardait, sa coquille noire éclatait, il en sortait des pattes griffues à la peau pourvue d'écailles, enfin une gueule prête à mordre. » (p. 141)

La force des mots


Lu aussi dans Comment cuire un ours de Mikael Niemi  (Paris : Stock. – 2017)

« Les mots qu'on écrit sont importants, mais vois ce qui se produit quand on les prononce ! Il faut les mordre, les mettre en petits morceaux comme des éclats de poterie. Les mastiquer jusqu'à les rendre mous comme la glaise, pour ensuite leur redonner forme avec les lèvres et les cordes vocales. C'est alors seulement qu'ils prennent toute leur force ! » (p. 126) 

Exister par des lettres


Lu aussi dans Comment cuire un ours de Mikael Niemi  (Paris : Stock. – 2017)

« Depuis ce jour, j'existe dans le livre [état civil] où il m'a inscrit. Plus jamais mon nom ne pourra être oublié. Car être oublié, n'est-ce pas le pire, quand on vit encore? Traverser sa propre vie sans qu'elle soit jamais justifiée par des lettres. Les lettres sont comme des clous forgés, sortis brûlants de la forge, qui tiédissent puis rougissent peu à peu, avant de devenir noirs et résistants. » (pp. 47-48)

La surface de l’eau, sensible comme une peau


Lu dans Comment cuire un ours de Mikael Niemi  (Paris : Stock. – 2017)

« Un plancher de verre qui n'en finit jamais de glisser, jusqu'à la cascade où il se fracasse en débris et lambeaux d'écume. La surface de l'eau, sensible comme une peau, se déchire et s'ouvre sur le bouillonnement de profondes entrailles. Le bruit de la cascade est inquiétant, il avertit d'un dan-ger. On entrevoit dans les tourbillons le crâne noir des rochers, les quilles de bateaux qui pourraient les frôler. Puis tout s'aplanit, et le flot s'étale, élargit son cours en une sereine embrassade. La voix bouleversée se calme, les entailles écumantes se referment et se lissent. Et pourtant tout est encore là, par-dessous. » (pp. 46-47)

Les romans policiers et la réalité


Lu aussi dans Tenir de Graham Moore  (Paris : Calmann Lévy. – 2022)

« Dans ces histoires, il y a toujours une réponse à la fin. La résolution. Le policier confond l'assassin, qui reconnaît son crime. Et c'est du solide, on le sait. Mais dans la réalité... c'est  pas comme ça. Dans la réalité, quelqu'un peut très bien aller en prison alors qu'un autre... Et on ne sait jamais la vérité. La vérité vraie, réelle et définitive. C'est impossible. » (p 134)

Les tribunaux, miroirs de toutes les strates de la société

 


Lu dans Tenir de Graham Moore  (Paris : Calmann Lévy. – 2022)

 « Les tribunaux sont les derniers endroits où toutes les strates de la société se frottent encore les unes aux autres - riches, pauvres, vieux et jeunes de Los Angeles, ce sont des individus de toutes les origines ethniques qui en foulent les sols en marbre. »  (p. 24)