Qu'est-ce que l'écriture ?

Lu dans La revanche de l’écrivaine fantôme de David Turgeon (Montréal, Le Quartanier éditeur, 2017)

« L’écriture, ce n’est pas du sentiment, l’écriture c’est une technique, un plan suffisamment ouvert, une canalisation pour l’écoulement naturel des idées, l’écriture c’est le choix des techniques de travail, c’est l’approche méthodique de chaque sujet, avec ce qu’il faut de saine insouciance, de ce qu’on appelle grâce je suppose, enfin l’écriture c’est, comme pour toute activité humaine, du temps, du temps, du temps, ce n’est franchement pas compliqué, il faut attendre, méditer, il faut vieillir et faire vieillir, il faut se tenir prêt quand vient la phrase, l’idée maîtresse, il faut être là, chez soi, dans la plus farouche intimité, délibérément fortifié en soi et avec ses outils, ses dictionnaires, ses nourritures littéraires, le reste n’est que sueur, désolée de ruiner ainsi le mystère de l’écriture mais il n’y a pas de quoi s’émouvoir. » (pp. 67-68)

Une des plus belles bibliothèques du monde

Lu aussi dans le roman historique et scientifique de José Rodrigues dos Santos, La formule de Dieu (HC éditions, 2012) mettant en vedette un historien cryptologue, Tomás Noronha, chargé de déchiffrer un manuscrit inédit d’Albert Einstein :

« Tomás traversa et se dirigea vers le bâtiment du fond, s’arrêtant devant la magnifique entrée; la porte était insérée dans un spectaculaire arc de triomphe, au sommet couronné des armes du Portugal. Ce bloc rectangulaire était l’une des plus belles bibliothèques du monde. La bibliothèque de Coimbra.

En pénétrant dans ce monument trois fois séculaire, le cryptologue sentit s’exhaler des murs richement décorés l’odeur du cuir qui reliait les manuscrits, mêlée au relent douceâtre du vieux papier. Devant lui se profilaient trois salles, séparées par des arcades ornées dans le même style imposant que le portail de l’entrée. La bibliothèque sommeillait sous une lumière tamisée. Tout l’intérieur du bâtiment était recouvert d’étagères, on voyait des rangées de livres sur deux niveaux; les plafonds peints s’alliaient harmonieusement aux teintes rouge et or de la décoration, ici le baroque atteignait incontestablement toute sa splendeur. » (pp. 469-70)

L’air vicié des bibliothèques et des archives


Lu dans le roman historique et scientifique de José Rodrigues dos Santos, La formule de Dieu (HC éditions, 2012) mettant en vedette un historien cryptologue, Tomás Noronha, chargé de déchiffrer un manuscrit inédit d’Albert Einstein :

« … je suis historien et cryptologue […] je préfère de loin les hiéroglyphes et les écritures hébraïques et araméennes, j’aime l’odeur poussiéreuse des bibliothèques et les relents de moisi exhalés par les vieux manuscrits et les anciens papyrus. Voilà mon univers. (p. 161)

La lecture pénible du fichier d’un manuscrit



Lu dans le roman L’ultime secret du Christ de José Rodrigues dos Santos (Paris : Éditions Hervé Chopin, 2013), une autre quête de vérité du cryptologue portugais Tomás Noronha :

« Étudier un manuscrit sur un écran d’ordinateur est une tâche pénible pour n’importe qui, mais le faire jusqu’à l’aube relève de la torture. Alexander Schwarz frotta ses yeux fatigués, injectés de sang, puis redressa son buste et sentit ses articulations endolories. Cela faisait trop longtemps qu’il était assis dans cette position, le regard tantôt rivé sur l’écran, tantôt sur le carnet de notes où il consignait ses observations.
[…]

Il ferma le fichier du manuscrit et éteignit l’ordinateur. » (p. 71)

Les genres littéraires



Lu aussi dans La disparition de Stephanie Mailer de Joël Dicker (Paris, Éditions de Fallois, 2018)

« …dans l’ordre du respect accordé aux genres, il y a en tête de gondole le roman incompréhensible, puis le roman intellectuel, puis le roman historique, puis le roman tout-court, et seulement après, en bon avant-dernier, juste avant le roman à l’eau de rose, il y a le roman policier. » (p. 355)

Peut-on critiquer un art que l’on pratique ?



Lu dans La disparition de Stephanie Mailer de Joël Dicker (Paris, Éditions de Fallois, 2018)

« Vous imaginez si les critiques littéraires se mettaient à écrire ou les écrivains à devenir des critiques littéraires ? […] Tout le monde crierait au scandale et à la partialité, et avec raison : on ne peut pas critiquer un art que l’on pratique » (p. 307)

À propos du temps


Lu aussi dans Les bottes suédoises de Henning Menkell (Paris, Éditions du Seuil, 2016)

« J’ai toujours perçu le temps comme un fardeau qui s’alourdissait avec les années, à croire que les minutes pouvaient se mesurer en grammes et les semaines en kilos. »  (p. 189)

« Dès que le voyant lumineux s’est éteint, les voyageurs ont commencé à se lever et à rassembler leurs affaires avec une impatience à peine contenue. On aurait cru qu’on venait de leur voler un temps précieux et qu’ils se bousculaient à présent pour être sûrs de débarquer avent les autres. J’observais ce spectacle depuis mon siège. C’était comme un troupeau de bêtes en fuite. Mais que fuyaient-elles? Les sièges trop étroits ? La peur de l’avion ? Leur propre vie ? Aurais-je été ainsi, moi aussi ? Quelqu’un qui considérait le temps comme un jeu, avec des gagnants et des perdants ? Je savais que la réponse était oui. J’avais été ainsi. Mais plus maintenant. L’enjeu du temps, pour moi désormais, était de ne pas gaspiller le peu qui m’en restait. »  (p. 201-202)

 « La proximité de la mort transforme le temps en un élastique tendu dont on craint sans cesse qu’il se rompe. »  (p. 332)

Que des livres


Lu dans Un outrage mortel de Louise Penny (Montréal, Flammarion Québec, 2017)

« Pas un son. Pas un grincement ni un craquement. Dans la demi-obscurité, il ne distinguait que des livres. Les murs en étaient tapissés. Ils étaient empilés sur des tables. L’unique fauteuil, éclairé, était recouvert de livres ouverts. Capitonné de récits. » (p. 228)

Le cercle en tant que symbole


Lu dans Signe de vie de J.R. dos Santos (Paris, Éditions Hervé Chopin, 2018)

« Le cercle n’a ni début ni fin, c’est pourquoi il est devenu un symbole universel d’intégrité, d’éternité, d’homogénéité et de perfection […]. Le cercle est l’absence de divisions ou de distinctions, c’est le symbole de l’unité, l’idée selon laquelle nous sommes tous pareils, nous sommes tous reliés, nous ne formons qu’un. La différence est illusion. Pour les hindous et les bouddhistes, le cercle représente la naissance, la mort et la renaissance, le cycle éternel de la vie et de la mort, le temps qui s’achève sans jamais s’achever, une chose en amenant une autre, tout change et tout demeure identique. Même le yin et le yang sont dans un cercle. » (pp. 197-198)

La brièveté de l’existence


Lu aussi dans Les bottes suédoises de Henning Menkell (Paris, Éditions du Seuil, 2016)

« En tant que médecin, j’avais eu l’occasion de méditer tous les jours sur la brièveté de l’existence. À la différence d’un pasteur, qui la mesure à l’aune de la vie éternelle, un médecin est confronté à ce qu’elle signifie concrètement. Personne n’est prêt à mourir, pas même les individus âgés, parfois très malades, pour qui l’on peut raisonnablement attendre la fin d’un moment à l’autre. Ils affirment le contraire pour rassurer leurs proches. Mais ce n’est pas la vérité. Dès que la porte de la chambre se referme, le moribond cesse de sourire et d’agiter la main; et ce qui lui reste alors, c’est l’effroi et un désespoir sans fond. »  (p. 158)

La peur de mourir



Lu aussi dans Les bottes suédoises de Henning Menkell (Paris, Éditions du Seuil, 2016)

« J’étais un vieil homme qui avait peur de mourir. Passer la frontière invisible – voilà ce qu’il me restait encore à accomplir. Et je redoutais de franchir ce dernier pas. Je le redoutais bien plus que je n’avais été prêt à l’admettre jusque-là. »  (p. 64)

Notes de lecture : quand on a tout perdu



Lu dans Les bottes suédoises de Henning Menkell (Paris, Éditions du Seuil, 2016)

« Quelqu’un qui a tout perdu n’a pas beaucoup de temps. À moins que ce ne soit l’inverse. »  (p. 26)

Sorry, I don’t speak french


Lu aussi dans Figurations de Samuel Sénéchal (Trois-Rivières, Les productions Désordre, 2015)

À Montréal, « je me sens comme un touriste qui se retourne s’il entend des gens parler français, lorsqu’il croise d’autres Québécois eux aussi en vacances. Pourtant, je suis chez moi, nous sommes chez nous, aux dernières nouvelles.
– Je vais prendre deux pointes de [pizza] végétarienne.
Sorry, I don’t speak french.
– Oui, je suis désolé moi aussi que tu ne parles pas français… Tu n’as aucune idée à quel point! (p. 62)

Écrire en français


Lu dans Figurations de Samuel Sénéchal (Trois-Rivières, Les productions Désordre, 2015)

« … une langue, une identité ça se protège. Pour y parvenir, je veux écrire en français sur ce peuple que j’aime tant, même s’il est aussi ma plus grande frustration puisqu’il est incapable de s’estimer et de se respecter autant qu’il le devrait. »  (p. 23)

« Ma langue, lorsqu’elle s’écrit en noir et blanc, refuse systématiquement sa mort annoncée. » (p. 47)

 « Écrire peut parfois être drôle et plaisant. Le reste du temps, c’est à peu près l’équivalent de s’arracher les ongles avec une pince rouillée. » (p. 50)

« Normalement, même les plus grands mensonges finissent par avoir l’air réels lorsqu’ils sont couchés sur papier. » (p. 66)

La photocopieuse et l’ordre des pouvoirs


Lu aussi dans La tentation de l’ombre de Eric Yung (Clermont-Ferrant, De Borée, 2018)

« L’apparition de la photocopieuse avait changé les rapports de forces entre les fonctionnaires de base et la haute hiérarchie. Peu de gens perçoivent l’importance de cette révolution au sein de la police. Jusqu’ici, les chefs de la « grande maison » étaient les seuls à posséder le savoir, à le chérir et à le préserver. Qu’une affaire soit sensible et, aussitôt, les doubles calqués au papier carbone qui la relataient rejoignaient quelques tiroirs discrets. Les document attendaient là, loin des curieux, et réapparaissaient le jour où une position sociale serait menacée ou, le temps venu, pour une négociation en vue d’un poste prestigieux.

Ce système régissait depuis toujours l’ordre des pouvoirs internes à la police. La photocopieuse avait changé cette donne et bouleversé la répartition des secrets. La machine mettait le chantage à la portée des petits fonctionnaires et les protégeait eux aussi. » (pp. 185-186)

La plus ancienne bibliothèque d’Europe et peut-être aussi la plus belle

Lu dans le roman L’ultime secret du Christ de José Rodrigues dos Santos (Paris : Éditions Hervé Chopin, 2013), une autre quête de vérité du cryptologue portugais Tomás Noronha :

« Ce bruit semblait provenir de la salle d’inventaire, tout près de la salle de consultation des manuscrits, où elle se trouvait; mais elle ne remarqua rien d’anormal. Les livres étaient là, alignés sur les rayons richement ornés de cette aile de la Bibliothèque vaticane, ils étaient comme assoupis dans l’ombre que la nuit  projetait sur leurs reliures poussiéreuses. C’était sans doute la plus ancienne bibliothèque d’Europe, et peut être aussi la plus belle, mais, le soir, il s’en dégageait une atmosphère inquiétante. » (p. 17)

Où sont les archives ?




Lu dans La tentation de l’ombre de Eric Yung (Clermont-Ferrant, Éditions De Borée, 2018)

« L’homme gris est resté droit quand je lui ai répondu : ‘‘Je cherche les archives.’’ Avec une pointe de mépris, il a répliqué : ‘‘ Mon Garçon, les archives sont installées dans les étages inférieurs…’’ »  (p. 63)

Un travail de moine

Lu dans Le beau mystère – Armand Gamache enquête (Louise Penny, Flammarion Québec, 2014)

« Le moine tira vers lui une peau de mouton – du vélin –, puis trempa sa plume d’oie aiguisée dans l’encre. Il écrivit d’abord les mots, le texte, en latin, évidemment. Les psaumes. Cette étape terminée, il revint au début. Au premier mot, au-dessus duquel sa plume resta suspendue. » (p. 10)

Moine historien… archiviste

Lu dans Le beau mystère – Armand Gamache enquête (Louise Penny, Flammarion Québec, 2014) :

« Les moines travaillaient dans le potager ou prenaient soin des animaux, faisaient le ménage, s’occupaient des archives, effectuaient des réparations. Préparaient les repas.

Chaque homme, en fin de compte, était expert dans son domaine, qu’il soit chef cuisinier, ingénieur ou historien. » (p. 111)

Un support ancien mais une écriture récente

Lu dans Le beau mystère – Armand Gamache enquête (Louise Penny, Flammarion Québec, 2014) :

« - Nous parlions de la feuille trouvée sur le prieur. Selon vous, elle est ancienne, mais l’écriture ne l’est pas. Pourquoi dites-vous ça ?

[…]

- D’abord, l’encre est trop foncée, répondit dom Philippe qui, avec Gamache, examinait la feuille. Le vélin absorbe le liquide au fil des ans et ce qui reste à la surface n’est plus vraiment de l’encre, mais une tache prenant la forme des mots. » (p. 185)

Un bureau plutôt mal tenu

Lu dans Le Duel (Arnaldur Indridason. – Paris, Éditions Métailié, 2014) :

« L’homme à la Cortina bleue dirigeait une petite société d’import-export et employait quelques personnes, rue Grensasvegur. Son bureau était installé au-dessus de l’entrepôt, lequel se trouvait à la cave du bâtiment. Albert demanda à le voir. On lui indiqua le bureau du fond sur la porte duquel était collée une plaque en laiton à son nom.

[…]

Albert entra et referma la porte. L’homme le toisait d’un air inquisiteur. Le bureau était plutôt mal tenu, des piles de papiers encombraient les étagères poussiéreuses… »

La reproduction manuelle d'un document

Lu dans Le beau mystère – Armand Gamache enquête (Louise Penny, Flammarion Québec, 2014) :

« - Vous n’avez pas de photocopieur, je suppose ?

- Non. Mais nous avons vingt-trois moines.

Gamache sourit et tendit la page à l’abbé.

- Pouvez-vous la faire transcrire ? Ce serait utile si vous pouviez faire une copie. Je n’aurais pas à garder l’original tout le temps avec moi.

 […]

- Nous pouvons essayer. » (p. 192)

L’empilement comme système de classement


Lu dans l’excellent polar de Jacques Côté, Nébulosité croissante en fin de journée (Québec : Les éditions à lire, 2000) dont l’action se déroule à Québec en juin 1976 :

« Louis [enquêteur à la Sûreté du Québec] n’avait jamais eu de système de classement, sinon l’empilement : mémos internes, paperasserie syndicale, journaux, procès verbaux, notes d’enquête. La revue Hustler dépassait entre deux dépositions. »

On ne dit jamais fainéant


Lu aussi dans Qui a tué mon père de Édouard Louis (Paris, Éditions du Seuil, 2018) :

« On ne dit jamais fainéant pour nommer un patron qui reste toute la journée assis dans un bureau à donner des ordres aux autres. On ne le dit jamais.. » (p. 81)

Le sentiment de possession


Lu aussi dans Qui a tué mon père de Édouard Louis (Paris, Éditions du Seuil, 2018) :


« Il n’y a que ceux à qui on donne tout depuis toujours qui peuvent avoir un vrai sentiment de possession, pas les autres. La possession n’est pas quelque chose qu’on peut acquérir. » (p. 43)

Ce que nous ne sommes pas


Lu dans Qui a tué mon père de Édouard Louis (Paris, Éditions du Seuil, 2018) :


« Ta vie te prouve que nous ne sommes pas ce que nous faisons, mais qu’au contraire nous sommes ce que nous n’avons pas fait, parce que le monde, ou la société, nous en a empêchés. » (p. 35)

Un archiviste médical à l'air maussade



Lu dans « Les Cahiers noirs de l’aliéniste - Dans le quartier des agités », roman de Jacques Côté (Québec : Éditions Àlire, 2014) :

« - Dépôt  des archives, deuxième étage, porte 335…
     Pressé de plonger mon regard dans les livres, je m’élançai dans l’escalier.
     J’entrai dans une pièce de consultation qui comptait de nombreuses tables et de grandes étagères. Une fenêtre donnait sur l’une des vastes cours intérieures.
     Un archiviste médical avec un bouc et des cheveux fins blond comme du blé replaçait des dossiers. Il portait des lunettes ovales à monture dorée. D’un air maussade, il s’enquit aussitôt de ma visite. » (p. 92)

Harry Bosh et son attachement au support papier (3/3)

Lu aussi dans Ceux qui tombent (Michael Connelly. Paris : Calman-lévy, 2014) cette scène rigolote à propos de l’opinion de son héros, l’inspecteur Harry Bosh, concernant les documents numériques :

« Dès qu'ils eurent rejoint l'unité des Affaires non résolues, Bosch gagna les meubles classeurs disposés contre le mur du fond. Chaque membre de l'unité en avait un. Chaque meuble classeur ne faisait guère plus qu'une moitié de casier, le PAB ayant été conçu et construit pour le monde numérique et pas pour les fidèles du travail à l'ancienne. Bosch se servait essentiellement du sien pour y ranger de vieux classeurs bleus ayant trait à d'anciennes affaires résolues. Ces dossiers avaient été ressortis des archives et numérisés pour faire de la place. Les anciens documents avaient été scannés puis passés à la déchiqueteuse, les classeurs vides étant destinés au dépotoir municipal. Mais Bosch en avait sauvé une dizaine et les avait cachés dans son casier de façon à en avoir toujours un sous la main. 
[…]
Bosch s'assit à son bureau et ouvrit le classeur. Et son ordinateur. Il avait déjà préparé quelques rapports à inclure dans le classeur. Il commença à les envoyer à l'imprimante de l’unité. » (p. 144)

Harry Bosh et son attachement au support papier (2/3)

Lu aussi dans Ceux qui tombent (Michael Connelly. Paris : Calman-lévy, 2014) cette scène rigolote à propos de l’opinion de son héros, l’inspecteur Harry Bosh, concernant les documents numériques :

« À ses yeux, le livre du meurtre était un des éléments clés de l'enquête et avait autant d'importance que n'importe quel autre élément de preuve. C'était le point d'ancrage de l'affaire, où l'on retrouvait toutes les décisions prises, les interrogatoires effectués et les éléments de preuve avérés ou potentiels recueillis par les enquêteurs. Physique, cet objet avait du poids, de la profondeur et de la substance. On pouvait, bien sûr, le réduire à un dossier numérique et le ranger dans une clé USB, mais, Dieu sait pourquoi, pareille opération le lui rendait moins réel et plus caché, sans parler du manque de respect pour les morts.

Bosch avait besoin de voir le fruit de son travail. Il voulait être constamment rappelé au fardeau qu'il portait. Il fallait absolument qu'il voie grandir le nombre de pages au fur et à mesure qu'avançait l'enquête. » (p. 143)

Harry Bosh et son attachement au support papier (1/3)

Lu dans Ceux qui tombent (Michael Connelly. Paris : Calman-lévy, 2014) cette scène rigolote à propos de l’opinion de son héros, l’inspecteur Harry Bosh, concernant les documents numériques :

« Le monde entier était peut-être passé au numérique, mais Harry Bosch n'avait pas suivi le mouvement. Il se débrouillait avec un téléphone et un ordinateur portables. Il écoutait de la musique sur un iPod et il lui arrivait de lire le journal sur celui de sa fille. Mais pour le « livre du meurtre », il était et resterait toujours attaché au plastique et au papier. Harry Bosch était un dinosaure. Peu importait que le service s'oriente vers l'archivage numérique et que le nouveau PAB ne comporte plus d'endroits où coller des étagères pour ranger les gros classeurs bleus qui constituent ce livre du meurtre. Bosch restait fidèle aux traditions, surtout quand il pensait qu'elles aidaient à attraper des tueurs. » (p. 143)

La souris, incarnation de l’esprit d’invention allemand, et Internet

Lu aussi dans Il est de retour (Timur Vermes. – Paris : Belfond, 2014), fiction traduite en 35 langues et bientôt adaptée au cinéma :

« Entre Chaplin, Borat et Shalim Auslander, une satire aussi hilarante que grinçante qui nous rappelle que face à la montée des extrémismes et à la démagogie, la vigilance reste plus que jamais de mise.

Soixante-six ans après sa disparition, Hitler se réveille dans un terrain vague de Berlin. Et il n’est pas content : comment, plus personne ne fait le salut nazi ? L’Allemagne ne rayonne plus sur l’Europe ? […] Et, surtout, c’est une FEMME qui dirige le pays ? ».

Au gré des jours, il découvre, entre autres, des technologies qui le séduisent, comme l’ordinateur et Internet :

« […] cette splendide petite souris était l'incarnation merveilleuse de l'esprit d'invention allemand !

On a rarement inventé chose plus géniale.

On fait avancer la souris sur la table et tous les mouvements sont reproduits sur l'écran sous forme d'une petite main. Et si on veut s'arrêter sur un endroit de l'écran, il suffit d'appuyer sur le bouton de la souris et la petite main ouvre une fenêtre sur l'écran. C'est enfantin et génial. J'étais fasciné. Mais ce n'aurait été qu'un distrayant petit jeu s'il ne s'était agi que de simplifier les tâches à faire au bureau. Il se révéla que cet appareil était multiple et renfermait bien d'autres fonctionnalités.

On pouvait bien sûr écrire mais, par le biais d'un réseau de lignes, on pouvait aussi entrer en relation avec toutes les personnes et toutes les institutions qui étaient disposées à le faire. En plus - et c'était une grosse différence avec le téléphone - , ceux qui envoyaient des messages n'étaient pas obligés de rester assis devant leur ordinateur; ils pouvaient laisser des messages et s'en aller car il était possible de les lire en leur absence. Tout le monde le faisait. Ce qui me réjouissait particulièrement, c'était que l'on pouvait consulter des journaux, des revues, tout ce qui contenait du savoir, en restant assis à sa place. C'était une sorte de gigantesque bibliothèque ouverte en permanence. Comme j'aurais aimé disposer de cette possibilité, à l'époque ! J'avais souvent désiré pouvoir lire encore un peu, à deux heures du matin, après une journée remplie de décisions militaires difficiles à prendre. » (p. 132)

Le téléphone portable, un pur produit du génie aryen

Lu dans Il est de retour (Timur Vermes. – Paris : Belfond, 2014), fiction traduite en 35 langues et bientôt adaptée au cinéma :

« Entre Chaplin, Borat et Shalim Auslander, une satire aussi hilarante que grinçante qui nous rappelle que face à la montée des extrémismes et à la démagogie, la vigilance reste plus que jamais de mise.

Soixante-six ans après sa disparition, Hitler se réveille dans un terrain vague de Berlin. Et il n’est pas content : comment, plus personne ne fait le salut nazi ? L’Allemagne ne rayonne plus sur l’Europe ? […] Et, surtout, c’est une FEMME qui dirige le pays ? ».

Au gré des jours, il découvre, entre autres, des technologies qui le séduisent, comme le téléphone portable :

«  C'était Mlle Krômeier qui s'était occupée de ça. Après avoir réglé toute cette histoire d'ordinateur, elle s'était souvenue qu'on m'avait aussi donné un téléphone portable. Ce genre d'appareil incroyable permettait même d'aller sur Internet, et encore plus facilement qu'avec une souris : il suffisait de toucher l'écran avec un doigt. J'avais tout de suite deviné que je tenais là un pur produit du génie aryen, et, après avoir tourné et retourné l'appareil dans tous les sens, j'avais découvert que, effectivement, c'était la société Siemens qui avait développé cette technique. » (p. 186)

Saisie kilométrique de texte

Lu aussi dans La rue des voleurs, un roman bouleversant qui raconte quelques années de la vie d’un jeune marocain sans avenir, amoureux des livres et de l’écrit animé par un désir d’affirmation d’un humanisme arabe (Mathias Énard. – Actes Sud / Leméac, 2012).

« … je passais douze à seize heures par jour devant l'écran, le dos plié comme un ramasseur de haricots verts, à recopier fidèlement, avec  mes quatre ou six doigts, des livres, des encyclopédies culinaires, des lettres manuscrites, des archives, tout ce que M. Bourrelier me passait. Le job portait bien son nom: saisie kilométrique, travail au kilomètre; plus précisément "double saisie", car ce travail d'abruti était fait deux fois, par deux abrutis différents, et on croisait ensuite les résultats, ce qui donnait un fichier fiable qui pouvait être remis au commanditaire. Les clients de M. Bourrelier étaient des plus divers: des maisons d'édition qui voulaient exploiter numériquement ou réimprimer un vieux fonds, des ministères qui avaient des tonnes et des tonnes d'écritures à gérer, des villes, des mairies dont les archives débordaient, des universités qui envoyaient de vieilles bandes magnétiques de cours magistraux et de conférences à retranscrire - on avait l'impression que toute la France, tout le verbiage de la France atterrissait ici, en Afrique; le pays entier vomissait du langage sur M. Bourrelier et ses nègres. Il fallait taper vite, bien sûr, mais pas trop vite, car on payait les corrections de notre poche: chaque fois que le croisement de la double saisie révélait une erreur, le mot ou la phrase en question étaient vérifiés et la coquille décomptée de mon salaire. » (p. 96)

Un cadeau empoisonné

Lu aussi dans La rue des voleurs, un roman bouleversant qui raconte quelques années de la vie d’un jeune marocain sans avenir, amoureux des livres et de l’écrit anumé par un désir d’affirmation d’un humanisme arabe (Mathias Énard. – Actes Sud / Leméac, 2012).

« Un jour, mon zèle m’a valu un cadeau empoisonné: en arrivant un matin, M. Bourrelier m'a convoqué dans son bureau. Il était joyeux, il rigolait comme un enfant, je viens d'avoir une excellente nouvelle, il m'a dit. Une magnifique nouvelle. Une très grosse commande du ministère des Anciens Combattants. Il s'agit de la numérisation des fiches individuelles des combattants de la Première Guerre mondiale. C'est un très gros contrat. Nous avons répondu à l'appel d'offres, et nous avons été retenus. Ce sont des fiches manuscrites, impossibles à traiter automatiquement, il va falloir les saisir à la main. On commence par les morts.

- Ils ne sont pas encore tous morts? j'ai dit naïvement.

- Si si, bien sûr qu'ils sont tous morts, il n'y a plus de combattant de la Première Guerre mondiale français vivant. Je veux dire qu'on va commencer par les "Morts pour la France", qui sont un lot de fiches à part.

- Et combien il y en a?

- Un million trois cent mille fiches, au total. Après il restera les blessés et ceux qui s'en sont tirés, ce sera plus gai. » (p. 97)

Survivre en recopiant des documents

Lu dans La rue des voleurs, un roman bouleversant qui raconte quelques années de la vie d’un jeune marocain sans avenir, amoureux des livres et de l’écrit animé par un désir d’affirmation d’un humanisme arabe (Mathias Énard. – Actes Sud / Leméac, 2012).

« Vous êtes payé à la page, 2000 signes, 50 centimes d'euro. Ça veut dire à peu près 100 euros pour un livre moyen. Ensuite on vous décompte les corrections, à 2 centimes pièce. En recopiant 20 livres par mois, ça vous fait 2000 euros, plus ou moins, si le travail est bien fait.

J'ai fait un calcul rapide: pour arriver à 20 livres par mois, disons 200 pages par jour, il fallait recopier 25 pages en 60 minutes. Une page toutes les deux minutes, plus ou moins. Ce Frédéric était un optimiste. Ou un esclavagiste, c'est selon.

- Ce ne serait pas plus simple de scanner les livres?

- Pour certains, non. Ceux dont le papier est un peu transparent, c’est presque impossible, on obtient n'importe quoi. L’OCR n’y comprend rien, et puis il faut démonter le bouquin, remettre en page, corriger, en fin de compte ça revient plus cher.

J'avais l'impression qu'il parlait chinois, mais bon, il devait savoir ce qu'il faisait. » (p. 75)

Au temps des cassettes et des cartouches 8 pistes



Lu dans « Cuba libre » de Nick Stone (Paris : Gallimard Série noire, 2013) :

« Il adore Bruce Springsteen. Il m’a fait une cassette il y a quelques temps. Vous vous rappelez ces objets – les cassettes ?

– Je me souviens même des cassettes en stéréo 8, dit Max. » (p. 361)

Notes de lecture : l’inspecteur Gamache de la Sûreté du Québec dans les voûtes de BAnQ (3)

Lu aussi dans La faille en toute chose – Armand Gamache enquête (le 9e polar de Louise, Penny. – Montréal : Flammarion Québec, 2014).

« Gamache était assis à un bureau dans la salle des archives et parcourait des documents en prenant des notes, fasciné par ce qu'il avait découvert jusqu'à maintenant: des journaux intimes, des lettres personnelles, des photographies. Après un certain temps cependant, il retira ses lunettes, se frotta les yeux et regarda les livres et les documents qu'il n'avait pas ouverts. Jamais il ne réussirait à tout lire dans un seul après-midi.

[…]

– J'aimerais les emporter, dit-il en montrant à la bibliothécaire les piles de documents sur le bureau.

Mme Dufour ouvrit la bouche, mais la referma. Elle réfléchit à la demande de l'inspecteur-chef.

[…]

– Je prends ma retraite en août prochain, vous savez. Retraite obligatoire.

– Je suis désolé, dit Gamache, l'observant tandis qu'elle parcourait la salle des yeux.

– Mise au placard, dit-elle avec un sourire. À mon avis, ni moi ni ces dossiers ne manquerons à personne. N'hésitez pas à les prendre, monsieur, mais, s'il vous plaît, rapportez-les. L’amende est salée, vous savez, si vous les perdez ou si votre chien les mange. » (pp. 125-126)