L’historien autoédité vu par un libraire

Lu aussi dans Petit traité du lecteur de Shaun Bythell  (Paris : Éditions Autrement. – 2021)

« Le seul [auteur autoédité] à ne pas susciter l'effroi des libraires est l'historien régional. Chez lui, la passion n'a d'égale que l'humilité. Il entre en général dans la boutique discrètement, avec un noble sentiment d'embarras, et finit par avouer qu'il a passé plusieurs années à faire des recherches sur l'histoire d'une base de la Royal Air Force dans la région, ou sur les noms gravés des pierres tombales de tous les cimetières locaux. Il demande alors en marmonnant si, par hasard, [il n’aurait] pas la possibilité de mettre en vente deux ou trois exemplaires de son livre […]. Voilà quelqu'un qui s'est engagé dans un dur labeur, a fait de longues recherches et publié un matériau dont les générations futures lui seront reconnaissantes. Il s'est parfois entretenu avec des personnes aujourd'hui décédées dont il a enregistré les propos : sans ses efforts, des informations historiques de première main seraient perdues. Et ce n'est pas tout : ce sont des livres qui se vendent. Pas en bien grand nombre, évidemment, mais un tirage de cinq cents exemplaires… » (pp. 74-75) 

L’auteur autoédité vu par un libraire

Lu dans Petit traité du lecteur de Shaun Bythell  (Paris : Éditions Autrement. – 2021)

« Mais, si l'autoédition a ouvert la voie à certaines des personnalités les plus respectées de la littérature, elle a également ouvert les vannes à quantité de nabots littéraires dont beaucoup, ne disposant pas du service marketing, de la machinerie promotionnelle et des réseaux de distribution d'un grand éditeur, n'ont d'autre choix que de jouer eux-mêmes tous ces rôles. Ils se croient donc en devoir de faire le tour des librairies et d'excéder les libraires, qui n'ont pas la moindre intention de vendre leur livre mais finissent par accepter, bien à contrecœur, d'en prendre à tout hasard trois exemplaires, dans le seul but de voir enfin ce fâcheux sortir de leur boutique. C'est une guerre d'usure dans laquelle l'auteur, injustement armé d'une grande abondance de temps et de la sombre détermination des retraités, est capable de se frayer un chemin en un éclair à travers votre ligne Maginot. » (p. 71)